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De La Fouchardière Georges - Histoire d'un petit juif


Auteur : De La Fouchardière Georges
Ouvrage : Histoire d'un petit juif
Année : 1938

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CHAPITRE PREMIER. COMMENT BENJAMIN LÉVY FUT EXPULSÉ DE LA TERRE PROMISE. Il y avait en Palestine, au village de Jérimadeth, un jeune garçon à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Il s’appelait Benjamin Lévy. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, et un esprit si simple que dans la tribu on ne pouvait citer qu’un seul autre exemple d’une telle simplicité étonnante en une telle race : celui du petit Joseph Cohn, surnommé Cohn-la-Lune à l’époque où les sages prédisaient que sa bêtise ne le mènerait à rien, mais qui devint plus tard le grand Cohn lorsqu’il eût gagné des millions en Europe par l’effet d’une sottise générale. Il en fut autrement de Benjamin. Un prétendu philosophe nommé Jean-Jacques Rousseau ayant entrepris d’écrire sa biographie, débute par cette phrase qui en donne la clé : « Ma naissance fut mon premier malheur » ; après quoi, au cours de 600 pages, il se répand en lamentations fastidieuses fréquemment interrompues par ce refrain « Ces choses-là n’arrivent qu’à moi. » Ce qui est aussi inexact que le début... Car il devait écrire : « Ma naissance fut mon seul malheur... » S’il n’était pas né, tout le reste ne lui fût assurément jamais arrivé. On peut dire que le principal malheur de Benjamin Lévy lui advint peu de temps après sa naissance. Il fut circoncis. Comment les Hébreux, qui représentent le peuple le plus sage, le mieux avisé de tout l’univers, ont-ils laissé se perpétuer parmi eux une aussi impertinente coutume, une aussi dangereuse tradition ? Les Israélites, de tout temps, et bien avant qu’on les chargeât comme d’un crime de l’exécution de Jésus-Christ, qui serait mort de toute façon s’il était un homme, et qui est immortel s’il est un Dieu, ont été persécutés dans tous les pays du monde. Les Nabuchodonosors, les Pharaons, les Césars, furent tour à tour, au cours de l’Ancien Testament, les fléaux d’un Jéhovah acharné contre son peuple élu... D’après ce que nous voyons aujourd’hui ça ne faisait que commencer. Or, les Juifs, dès leur naissance, par une étrange mutilation, se marquent eux-mêmes d’un signe distinctif qui les dénonce aux yeux de leurs persécuteurs... Un Juif qui va être pendu ou dont la maison est sur le point d’être brûlée au cours d’un de ces pogroms si fréquents dans l’histoire pourrait dire : « Eh ! Messieurs, vous faites erreur, je ne suis point Juif » s’il ne portait sur lui ce qu’il faut pour le confondre. Que de fois, au cours de son existence, Benjamin Lévy fut victime de cet indélébile certificat de baptême... Au cours de son enfance, il n’était pas particulièrement racé. Il avait plutôt le type d’un « bambino napolitain », ce que des voisines malveillantes attribuaient au fait qu’un couvent de moines italiens était établi aux environs de Jérimadeth. Sa mère se trouva justifiée quand s’accentuèrent, au cours de son adolescence, les caractères distinctifs de la variété humaine à laquelle il appartenait... Sa petite voisine Rébecca, compagne ordinaire de ses jeux puérils, conserva par contre le type celtique, que les mêmes méchantes langues attribuaient à l’intervention d’un officier de police irlandais, chargé avec quelques autres de maintenir l’ordre en Palestine... Comme la coutume n’exige pas, pour une raison fort explicable, la circoncision des enfants du sexe féminin, Rébecca put se faire Aryenne par la suite, et causer ainsi à Benjamin le plus vif des désagréments dont il eut à souffrir. Cependant, Benjamin Lévy croissait en force et en sagesse sous la direction du bon rabbin Mardochée, dont il était l’élève favori et qui espérait le voir entrer plus tard dans les ordres sacrés. Mardochée inspira à Benjamin la respectueuse terreur d’un vieux dieu doué d’une effroyable capacité d’espionnage et de châtiment, et par ailleurs enclin, jusqu’aux extrêmes limites de l’injustice, à ce péché de colère, qui est classé parmi les capitaux lorsqu’on le reproche aux humains. Il lui conta une histoire du christianisme qui n’eût pas obtenu en France l’approbation épiscopale. D’après ce Mardochée, il y avait une fois un nommé Barabbas qui faisait des tours de prestidigitation d’un assez mauvais goût, faisant jaillir des sources de vin parmi les noces aussi facilement que Moïse faisait jaillir des sources d’eau. Las plaintes des débitants de Jérusalem, lésés dans les légitimes intérêts de leur commerce, motivèrent l’envoi en Palestine d’un policier romain nommé Horatius Flicus... Car, en ce temps-là, les Romains tenaient dans le monde le rôle que tiennent de nos jours les Anglais et mettaient le nez dans les affaires de toutes les nations, surtout quand ces affaires ne les regardaient pas. Horatius Flicus, pour se donner de l’importance, avait envoyé à Rome un rapport ridicule, bourré de miracles et d’incroyables merveilles... Ce qui avait provoqué là-bas la création d’un nouveau dieu, bien que les Romains en eussent déjà beaucoup plus qu’ils n’en pouvaient adorer. La création de ce nouveau Dieu avait causé au cours des siècles suivants de sensibles ennuis au peuple d’Israël... Mardochée affirmait que Benjamin Lévy était bien heureux d’être né dans le seul pays où il fût à l’abri des injures et des brimades des Gentils... L’Éternel avait marqué sa faveur à Benjamin en le mettant tout de suite sur une Terre Promise que Moïse lui-même n’avait trouvée qu’au prix d’incroyables tribulations. Benjamin, n’ayant jamais vu d’autres pays, estimait qu’il habitait le plus beau du monde. Les cailloux, assurément, y poussaient avec une prodigieuse abondance ; l’harmonie grandiose et un peu monotone du paysage n’était troublée, de loin en loin, que par un figuier facile à vivre, dont les racines n’étaient pas exigeantes quant à la qualité et la quantité de sa nourriture. Mais sur cette terre de Palestine, les cailloux répondent au principal besoin des hommes. Il s’en pratique, entre Arabes et Israélites, un échange fort actif. Ainsi Dieu fait bien ce qu’il fait, les créatures sachant s’adapter à la création lorsque la création ne se prête pas aux désirs des créatures. Le vendredi, jour de chômage pour les Mahométans, les petits Israélites qui fréquentaient l'école du rabbin Mardochée étaient joyeusement lapidés par les petits Arabes qui étudiaient le Coran sous la direction de Mohamed ben Mohamed, jeune docteur de la loi musulmane. Le samedi, jour de Sabbat, était sanctifié de la même façon par les jeunes Israélites... S’il est permis, le jour du Sabbat, de retirer son âne tombé dans un puits, il est assurément recommandable de ramasser des pierres pour en arroser les successeurs des Philistins, des Amalécites et de ces Amonites qui, à travers la Bible, portent un nom de champignon vénéneux. Quelques belligérants astucieux, se souvenant de la victoire de David sur Goliath, étaient même armés de frondes. Mais le résultat de ces batailles était tel qu’on aurait pu croire, de la part des tireurs, à une maladresse systématique ; ou, de la part de Jéhovah, dit Allah, qui de là-haut fixe en dernier ressort les points de chute, à une sorte de partialité vindicative. Lorsqu’un projectile faisait une victime, ce n’était jamais un des jeunes combattants. Le caillou débarquait infailliblement sur le nez du rabbin Mardochée ou sur le front du docteur Mohamed ben Mohamed ; ce qui nuisait à la dignité du personnage au cours de son apostolat. Mais si l’un ou l’autre prenait le parti de s’enfermer chez soi au cours des hostilités, le caillou entrait dans sa maison après avoir traversé la vitre d’une fenêtre close ; ce qui était moins douloureux mais plus coûteux. De telles déviations ne tenaient pas du miracle, mais d’une inspiration moins élevée. Les élèves de Mardochée avaient remarqué qu’il suffisait d’atteindre par inadvertance le nez ou l’oreille du maître musulman pour recevoir du maître israélite un compliment ou une récompense à la fin de la classe. Quant à Mohamed ben Mohamed, il prenait toujours avec une insistance singulière le même exemple pour exposer le dogme fataliste : « Dès que la pierre a quitté votre main, c’est la main de Dieu qui la mène... Inch Allah ! Si elle aboutit sur le visage de celui qui enseigne l’erreur, mektoub !.. Tout est écrit... Vous n’avez aucune responsabilité dans les châtiments décidés depuis le commencement des siècles...» Cette théorie eût même justifié l’audacieux tenté d’enfoncer un couteau dans le ventre du rabbin par pure curiosité de ce qui arriverait. L’animosité qui dressait l’un contre l’autre ces deux docteurs professant deux formes d’une loi unique en son essence n’avait pas uniquement pour origine une controverse séculaire sur la meilleure façon d’envisager un seul Dieu que personne n’a jamais vu. Ils étaient surtout divisés par une rivalité amoureuse . Mohamed ben Mohamed enfermait chez lui, parce que c’était la mode dans son peuple, deux épouses que personne n’aurait eu le désir de lui emprunter, car elles étaient vieilles et laides. Mme Mardochée, fort désirable par des charmes abondants, jouait dans la maison de son vieil époux le rôle que Ruth joua il y a quelques siècles au foyer de Booz. Mohamed ben Mohamed convoitait Mme Mardochée... Mardochée ne l’ignorait point. Une telle situation apportait dans la guerre des enfants de Jérimadeth une justice qui est absente de toutes les autres guerres. Car ceux qui inspiraient et organisaient les combats étaient seuls exposés aux coups, alors que, suivant la tradition guerrière des peuples civilisés, ceux qui sont frappés se battent sans avoir de haine à satisfaire ni de profit à réaliser. Il arriva cependant un jour qu’un neutre fut atteint et c’est ce qui décida du sort de Benjamin Lévy. Benjamin Lévy avait alors 17 ans. Il n’avait au fond du coeur aucun goût pour la bataille. Il eût mieux aimé, pendant que les autres se battaient, échanger de tendres propos et des caresses maladroites avec sa jeune voisine Rébecca, sous le figuier du village ; c’est là que se tenaient à l’ombre, en se serrant un peu, tous les amoureux du pays. Mais une solidarité qui est la forme honorable de la lâcheté l’obligeait à envoyer des cailloux, avec les autres, contre le chef des rebelles, pendant qu’en d’autres endroits de la Terre Promise, les Arabes adultes échangeaient des balles avec les Israélites en âge de faire la vraie guerre. Benjamin Lévy, ce jour-là, ramassa un énorme moellon et visa, avec l’espoir secret de ne point l’atteindre, le turban du docteur Mohamed ben Mohamed, qui se présentait à bonne portée et sous un angle bien tentant. Nous avons écrit que cet adolescent était de moeurs douces. Il avait confiance dans sa maladresse naturelle. Il avait tort... Le bras d’Allah détourna le projectile du crâne de son fidèle croyant, mais dans une direction beaucoup plus dangereuse. A ce moment précis, John Mac Cormick, mû par le sentiment du devoir, traversait la zone de tir. ...

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